Les films Disney sont des miroirs de la vie de leurs héros, avec leurs joies et parfois leurs peines aussi. Des peines qui sont parfois l’occasion de merveilleuses chansons qui nous touchent au plus profond du cœur.
Et parmi ces chansons touchantes, il y a cette douce mélodie qui promet à la petite Penny que des jours meilleurs arriveront bientôt : Quelqu’un T’Attend Là-Bas.
Penny, c’est cette petite orpheline qui a été enlevée et est séquestrée et que vont sauver deux souris, Bernard et Bianca. Et les deux animaux ne sauveront pas que la fillette puisque le film aura une place toute particulière dans l’histoire des Studios Disney. Il sera une sorte de petite lumière au milieu du Dark Age Disney. Un premier succès depuis le livre de la Jungle en 1967 et dernier jusqu’à la sortie de la Petite Sirène en 1989.
Dark Age Disney
En 1966, les Studios perdent leur visionnaire. Walt décède et la production va alors rentrer dans une phase qualifiée d’âge sombre. Après Le Livre de la Jungle qui, même s’il sort après le décès du papa de Mickey, avait été supervisé par lui, commence donc une période de déclin de la qualité mais aussi de l’innovation des films produits.
Et si, parfois, ils rencontrent un petit succès commercial, ils sont toutefois moins inventifs, moins brillants que les classiques précédents. Ainsi, Les Aristochats ou Robin des Bois, bien qu’agréables, seront plutôt considérés comme des œuvres de transition manquant d’originalité et s’appuyant sur des éléments déjà exploités.
Et pourtant, dans ce contexte, Les Aventures de Bernard et Bianca vont faire exception.
Une lueur dans le noir
Plusieurs facteurs expliqueront cette particularité. Tout d’abord, le film va se distinguer par son atmosphère plus sombre. Il aborde aussi des thèmes plus adultes comme l’abandon, la solitude, l’exploitation mais parallèlement il développe aussi une trame d’aventure héroïque amenant des moments de légèreté.
Mais l’autre raison est peut-être que l’histoire de ces deux souris, membres de la Société de secours qui viennent en aide à la petite Penny, enlevée par la méchante Madame Médusa dans le but de récupérer un diamant, a été dénichée dans le tiroir où sont rangés les projets de Walt lui-même.
Des histoires d’enfants
Dans les années 60, Margery Sharp écrit les neuf romans d’une série pour enfants intitulée The Rescuers, des histoires nous racontant les aventures de Miss Bianca, une souris mondaine engagée dans l’assistance aux personnes et aux animaux en danger.
L’idée de l’adapter ces histoires avait été soufflée à Walt en 1966. Et alors qu’il en a acquis les droits, il pense en retirer une série de moyens métrages. Mais lorsqu’il voit la richesse des romans, il imagine plutôt de se tourner vers un long métrage. Commence alors un travail de toute une équipe autour de l’idée de la libération d’un poète, prisonnier des communistes. Walt trouve alors le thème trop politique et l’histoire trop négative. Et il la range dans un tiroir avec d’autres histoires abandonnées. Malheureusement, il décède la même année et le projet reste enfermé.
Une idée à récupérer
La mort de Walt prend les Studios au dépourvu et la plupart des films qui vont suivre font partie des projets abandonnés par le papa de Mickey. C’est comme cela que les souris Bernard et Bianca vont sortir de leur cachette avec plusieurs projets de scenarios tant les livres sont riches. Finalement, l’histoire retenue va se centrer sur les deux premiers romans de la série : The Rescuers et Miss Bianca.
Les Studios croient donc qu’ils tiennent la bonne histoire. Une histoire qui contient tous les éléments du succès. Des personnages attachants, un mélange d’action et d’émotion. Bref l’opportunité de sortir de cette sorte de latence dans laquelle les studios se sont enfermés depuis la mort de Walt, si on excepte le Livre de la Jungle que le papa de Mickey avait lancé et, d’une certaine manière, Robin des Bois, même si ce dernier pouvait sembler manquer d’ambition.
Un bandit au grand coeur
Pourtant, Robin des Bois, bien que moins ambitieux, sera couronné d’un certain succès. Un succès qui sera d’ailleurs déterminant pour Le couple de souris détectives puisque ce sera lui qui permettra son financement alors que certains dans la Walt Disney Company voulait abandonner la production de longs métrages.
A l’époque, en effet, il avait été envisager l’abandonner ce qui est l’essence même de l’esprit Disney. En effet, certains financiers pensaient qu’il s’agissait là d’une activité que l’on pouvait peu à peu laisser de côté. Il faut dire que nous sommes à une période charnière. Walt est décédé et la succession n’avait pas été envisagée. L’équipe historique d’animateurs vieillit et la plupart sont maintenant à la retraite. Bref, de là à penser que l’art historique Disney est amené à disparaître, il n’y a qu’un pas.
Mais le succès de Robin des Bois et les bénéfices qu’il engendre vont rebattre les cartes puisqu’on ne va quand-même pas fermer un secteur qui rapporte. Au contraire, il y a tout intérêt à se pencher sur la relève.
Scruffy, le challenger
Une nouvelle équipe sera recrutée. C’est l’un des Disney’s Nine Old Men, Eric Larson, qui sera alors chargé du recrutement de la constitution d’une nouvelle équipe qui se lance sur deux projets.
Le premier, Scruffy, une adaptation du livre de Paul Gallico, raconte l’histoire d’un macaque berbère de Gibraltar durant la Seconde Guerre mondiale. La production reprenant trop d’éléments des films précédents, sera abandonnée au profit du second, Les aventures de Bernard et Bianca.
Quand Louis disparaît
Petit à petit, le projet prend forme, non sans difficulté. Il y eu d’abord une première version basée sur le premier livre de Margaret Sharp qui faisait intervenir un ours nommé Louis que les deux souris avaient libéré d’un zoo. Le personnage devait d’ailleurs être interprété par Louis Prima pour lequel on écrit une chanson. Mais Le jazzman, atteint d’une tumeur du cerveau, plonge dans le coma. Et voilà le projet qui demande à être réorienté.
On s’oriente alors, surtout sur le deuxième livre avec une histoire qui se dote d’une méchante. Dans le livre, il s’agit d’une vieille femme froide et cruelle. Elle deviendra ce personnage excentrique grâce à l’arrivée de Geraldine Page auditionnée pour la voix de Médusa.
Nouveau projet, nouvelles chansons
Ce changement de cap induira également une évolution dans la bande originale. Pour la première version de l’histoire, on avait fait appel Floyd Huddleston, le compositeur de Robin des Bois, pour composer une bande originale dans un esprit jazzy. Malheureusement, avec le changement d’orientation, elles seront supprimées.
C’est Sammy Fain qui deviendra le compositeur de la nouvelle version. Il avait ainsi écrit une chanson intitulée The Need to Be Loved pour la scène où Penny perd espoir. On en changera les paroles pour devenir la jolie balade folk « Quelqu’un t’attend » qui traduit toute l’émotion de cette séquence où l’on ressent la tristesse de la petite Penny, retenue prisonnière dans le Bayou du Diable par une Madame Médusa qui lui déclare que personne ne voudrait adopter « une petite fille simple comme elle ». La chanson de la petite fille qui pleure en silence dans la nuit porte pourtant une lueur d’espoir.
Quelqu’un T’Attend Là-Bas : Une chanson remarquée
Si le film apporte un premier vent de fraîcheur dans cette période sombre de l’histoire Disney, la bande originale reste un peu en retrait avec seulement quatre chansons. Mais la profession ne s’y trompe toutefois pas et Quelqu’un t’attend méritera une nomination pour l’Oscar de la meilleure chanson. Preuve en est qu’il faut toujours garder l’espoir en soi !