Walt Disney n’est pas un philosophe. Shakespeare ne l’était pas non plus. Pourtant lorsque les hésitations questionnent le petit Simba en exil, ne lui reconnaît-on pas la question existentielle d’Hamlet. « Être ou ne pas être ? C’est là la question ! » Mais était-ce vraiment une question ?
Destiné à devenir Roi, Simba ne se sent plus légitime à la mort de son père. Alors doit-il continuer une vie carpe diem loin des siens, ou affronter son destin ? Et si la réponse était dans l’inexorable Cercle de la Vie ? L’Histoire de la Vie ?
C’est donc une tranche de réflexion philosophique sur le sens de la vie que nous propose Disney en 1994, avec Le Roi Lion, le grand chef d’œuvre des Studios.
Shakespeare au cinéma
Et pourtant, au départ, personne n’aurait parié un centime sur ce qui devait s’appeler Le Roi de la Jungle. L’idée arrive à la fin de ce qu’on a appelé le second âge d’or des Studios, après les immenses succès de La Petite Sirène, La Belle et la Bête et Aladdin. Jeffrey Katzenberg, président des Studios Disney, suggère alors d’écrire une histoire sur ce moment difficile du passage à l’âge adulte. Les réalisateurs Roger Allers et Bob Minkoff y voient une ressemblance avec Hamlet de Shakespeare. Ce sera la tournure que l’on donnera au film.
Dans Hamlet, son oncle, Claudius, tue son frère le roi, comme l’horrible Scar, frère du Roi Mufasa et oncle de Simba ! Plus tard, le Roi revient en songe pour inciter Hamlet à demander justice, comme Mufasa qui revient dans les songes de Simba.
Et Simba ne se pose-t-il pas la question : Être ou ne pas être roi ? Reprendre sa place dans le « Cercle de la vie » ou continuer une vie sans souci : Hakuna matata ?
Bref. Si on résume le Roi Lion, c’est Hamlet en Afrique, avec Bambi au milieu. « Une sorte de Bamlet » comme l’avait résumé Irene Mecchi, la scénariste.
Elton John, un second choix !
Le succès viendra du choix d’une histoire originale, toute-à-fait innovante mais devra beaucoup aussi une bande originale splendide écrite par cette légende de la pop qu’est Elton John.
Et pourtant pas il n’était pas le premier choix pour l’écriture des chansons du film. En 1991, le choix s’était porté sur le parolier, Tim Rice qui vient de signer la bande originale d’Aladdin avec Alan Menken. Celui-ci propose alors à Benny Andersson, du groupe ABBA, d’écrire la musique.
Mais le musicien suédois est occupé à d’autres projets et refuse. On se tourne alors vers Elton John, pour le grand bonheur de tous, comme le montrera la suite.
Des débuts difficiles
Il commencera le travail avec hésitation, pas vraiment sûr du succès. Et on peut le comprendre lorsqu’il dut qu’il s’est retrouvé assis devant une première phrase qui disait « Quand j’étais un jeune phacochère ». Sir Reginald Kenneth Dwight s’est demandé ce qu’il est venu faire là.
Il lui en fallait plus pour se décourager. Il persévère et son travail lui vaudra trois nominations aux Oscars pour “Can You Feel the Love Tonight”, “Hakuna Matata” et “Circle of Life”, la chanson-titre qui résume parfaitement l’histoire de ce film qui nous parle de la vie se propageant de génération en génération.
Un succès qui aurait pu ne pas exister
On pourrait penser que ce flot de récompenses était prévisible avec une telle star. Pourtant, les Studios ont bien failli passer à côté de ce succès. Non seulement Elton John était un second choix, mais il a, de plus, dû batailler ferme pour imposer ses compositions dont The Circle of Life. La chanson a même failli passer à la trappe. Lorsque la production écoute la démo, le moins qu’on puisse dire c’est que l’enthousiasme n’est pas au rendez-vous. La composition ne devra son salut qu’à l’intervention d’Hans Zimmer.
Hans Zimmer pour les couleurs africaines
Au début de la production, c’est Alan Menken qui avait été choisi pour écrire la bande originale du film. Mais son travail sur les compositions de Pocahontas- le monopolise et il doit céder sa place.
Les Studios Disney se tourne alors vers Hans Zimmer qu’ils ont repéré grâce à la partition d’un long-métrage traitant de l’apartheid, partition qui accompagnait les chants africains de Lebo M.
Mais il n’est pas un compositeur pour films d’animation et sa première réaction est de refuser. Mais il est aussi le papa d’une petite Zoé. L’idée de l’emmener au cinéma pour regarder un film dont il a écrit la musique va finir de la convaincre.
Alors qu’il est en cours de composition des musiques du film, la production peu convaincue par la démo d’Elton John lui demande d’y ajouter une saveur africaine. Zimmer fait aussi appel au chanteur sud-africain Lebo M qui, après quelques essais, crie le fameux « Nants ingonyama bagithi Baba ».
Un nouvel arrangement est proposé, avec des instruments et les vocalises africaines. Bingo ! La chanson est conservée même si personne n’a vraiment saisi le sens de cette introduction !
L’Histoire de la vie : La vie est en marche
Fermons les yeux. Le soleil se lève sur la savane. Un cri en zoulou s’élève. Nants ingonyama bagithi Baba. Tous les animaux se mettent en chemin à la rencontre de Rafiki qui les appelle du haut du Pride Rock. A bout de bras, il leur présente le petit Simba. Et il le clame. Nants ingonyama bagithi Baba. Voici le lion, Père.
La phrase est simple mais efficace ! La chanson d’Elton John enchaîne. Quand les chœurs zoulous qui accompagnent les animaux se termine, Carmen Twillie nous explique que nous assistons à l’éternel mouvement de la vie. Elton John l’interprète lui sur le générique de fin.
Et on pourrait conclure : Yimpilo eguqukayo. C’est la vie qui tourne !
Retrouvez tous les épisodes de Ne Me Remercie Pas sur Spotify, Apple Podcast, Deezer, Google Podcast et Amazon, mais également sur les réseaux sociaux : Facebook, Instagram et la plateforme X !