Quand on pense aux chansons mythiques de l’univers Disney, on pense aux longs-métrages mais certaines pépites ont pourtant été créées pour des courts-métrages. Moins populaires, certaines sont pourtant devenues mythiques. C’est le cas de cette chanson créée en 1933 pour un épisode de la série Silly Symphonies : Qui a peur du Grand Méchant Loup !
Et non seulement, elle rendra le court-métrage célèbre mais de plus, elle aura une importance capitale dans la suite de l’histoire Disney.
Sauvetage d’un cochon
En choisissant d’adapter le conte de tradition orale, apparu pour la première fois dans une édition écrite de Nursery Rhymes and Nursery Tales de James Halliwell à la fin du 19ème siècle, Disney ignorait sans doute à quel point il allait poser l’un des actes fondateurs des Studios.
Dans un premier temps, il fallait adapter l’histoire afin de répondre aux codes disneyens. Pas question de voir deux des petits cochons dévorés par le loup, ni de voir l’infâme canidé rôtir dans la cheminée. Ce sera la concession que le réalisateur, Burt Gillett, devra au papa de Mickey s’il voulait garder les trois porcelets. Walt avait voulu n’en conserver que deux, sans doute parce qu’il trouvait une répétition de l’intrigue trop longue.
Franck Churchill
Une concession bien salutaire. En effet, la fameuse chanson « Qui a peur du Grand Méchant Loup » aurait moins bien fonctionné sans les deux frères qui le nargue. Et cette chanson, on la doit à l’un des compositeurs fétiches de Walt : Frank Churchill qui doit ce statut à une suite de hasards.
Lui qui jusque-là joue du piano dans de petites salles, décide, en 1924, de tenter sa chance à Hollywood. Six années plus tard, il fait la connaissance de Walt Disney en recherche d’un compositeur. Mickey et les Silly Symphonies ont de plus en plus de succès et son compositeur attitré, Carl Stalling, vient de partir à la concurrence. Il n’est d’ailleurs pas le seul à avoir déserté puisque Ub Iwerks, l’animateur vedette a également quitté les studios.
On aurait pu penser que la perte de deux collaborateurs essentiels aurait porté un coup fatal à la compagnie. C’était sans compter sur la faculté de Walt de rebondir dans les situations les plus difficile. Les Studios voient alors arriver une équipe de jeunes animateurs qui seront porteurs d’innovations. Et pour la musique, Churchill est engagé.
Musique originale
Au départ, il s’agit de lui confier les enregistrements des musiques mais il montre très vite un talent d’écriture et est alors intégré à l’équipe de productions des cartoons
Avec Churchill, Disney développe sa propre musique et n’utilise plus d’œuvres extérieures. Son talent sera particulièrement reconnu dans son travail sur les Silly Symphonies.
Bref, sous l’impulsion des nouveautés, les Silly Symphonies évolue alors dans une orientation qui n’étaient pas celle prévue à l’origine, mais qui conduisent à des petites pépites.
Des personnages aboutis
Les trois petits cochons feront partie de cet esprit de renouveau. Le cartoon est, somme toute, assez simple puisqu’il n’y a que quatre personnages. Et pourtant, ces personnages sont très aboutis et cela sera salué. Les Studios ont réussi à les personnaliser très précisément. Trois petits cochons, l’un très travailleurs, en salopette, les deux autres, plus frivoles, en costumes fantaisistes. Et puis le méchant, très rude.
Cette personnalisation est saluée par la critique pour son côté novateur ce qui sera un élément du succès du film.
Une chanson … Un hymne
Et puis il y a ce moment de la chanson des deux frères et leur insouciante arrogance pour lequel Frank Churchill va écrire Qui a peur du Grand Méchant Loup. Presqu’un hymne à lui seul.
Pour l’anecdote, il paraît que lorsque Walt lui demande d’écrire cette chanson pour son nouveau cartoon, Churchill la compose en cinq minutes à peine. Il se serait inspiré d’une anecdote de son enfance lorsqu’il était chargé de surveiller trois petits cochons pour que le loup ne les emporte pas !
Légende ou vérité, toujours est-il que cette chanson simple sera un succès immédiat. Succès pour Churchill et revanche pour Walt qui a largement remplacé le départ de son compositeur vedette.
Des moments clés
Dans le dessin animé, la chanson intervient à deux reprises même si la musique, elle, est omniprésente.
Elle pose l’intrigue puisque les deux cochons les plus insouciants chantent leur indifférence face au pseudo danger. Elle reviendra pour fêter la victoire des porcelets sur le grand méchant loup.
Ce succès la fera revenir dans les films suivants bien que, pourtant, les Silly Symphonies étaient caractérisées par l’absence de héros récurrents. Le succès des Trois Petit Cochons fera mentir ce principe.
Le retour
Sous l’engouement du public, distributeurs et exploitants de salle demande à voir réapparaître le trio de héros et leur ennemi maintenant légendaire. Contre son principe, Walt se résigne à les faire revenir dans trois autres cartoons de la série :
Le Grand Méchant Loup en 1934 qui malgré sa qualité ne remportera pas le même succès, ce qui fait dire à Walt qu’on n’atteint pas le miracle deux fois avec la même recette.
Il y aura encore Les Trois Petits Loups en 1936 et Le Cochon Pratique en 1939, l’avant-dernier Silly Symphony dans lequel les petits cochons recevront enfin leur nom : Fidler Pig pour le violonniste, Pratical Pig pour le plus raisonnable, et Fifer Pig pour le flûtiste. En français Nif-Nif, Nouf-Nouf et Naf-Naf.
Récompense
Quand on voit un tel succès, on peut penser aux récompenses qui l’accompagnent. Nous sommes en 1933 lorsque sort le court métrage des Trois petits Cochons. Or, depuis 1932, les Oscars ont créé une catégorie « Meilleur film d’animation ». Les Silly Symphonies remporteront le trophée chaque année jusqu’à leur fin en 1939. En 1934, le film le remportera donc logiquement tant on peut souligner sa qualité, dont sa chanson.
Mais cette chanson aura une vie propre, au-delà de l’animation. Ainsi, on enregistre des reprises dès 1933, comme celle du violoniste de jazz américain Ben Bernie ou encore du génialissime Duke Ellington. Nombre de reprises assez conventionnelles sortiront également mais ne ratez pas l’interprétation du rappeur américain LL Cool J en 1991.
Un tel succès montre donc que la chanson a largement dépassé le cartoon, elle qui avait presque sonné la fin des Silly Symphonies en 1939.
Arrêt brusque
Les Silly Symphonies s’arrêteront donc en plein succès. Il faut dire que, depuis 1939, Walt s’est tourné vers les long-métrages et les cartoons perdent leur intérêt.
Mais pour ses long-métrages, il n’oubliera pas les clés de son succès. Et pour la musique de Blanche-Neige, il confiera les rênes à un certain … Frank Churchill … Un jour mon Prince viendra, après un grand méchant loup, voilà qui montre le talent du compositeur.