Depuis ses débuts, Disney a su marier la magie du cinéma et celle de la musique pour transporter son public dans des univers enchanteurs. De Mary Poppins à La Belle et la Bête, chaque film musical de la firme a offert des chansons devenues cultes.

L’Apprentie sorcière s’inscrit dans cette tradition. Parmi les morceaux du film, le très court Portobello Road se distingue par son ambiance unique : un mélange de folklore londonien et de diversité culturelle, mis en scène dans un numéro musical coloré et entraînant. Mais pourquoi le choix de cette rue comme décor d’une séquence aussi emblématique ?
Une scène au cœur du récit
Pour le comprendre, il faut recontextualiser la scène. Adapté des romans de Mary Norton, L’Apprentie sorcière est un film musical américain qui mêle prises de vues réelles et animation, à l’instar de Mary Poppins. On y suit l’histoire de trois enfants évacués à la campagne durant la Seconde Guerre mondiale pour échapper aux bombardements allemands. Ils se retrouvent chez Églantine Price, une vieille demoiselle mystérieuse qui se révèle être une apprentie sorcière suivant des cours de magie par correspondance.

Mais voilà que sa formation est interrompue avant sa dernière leçon. C’est ainsi qu’ils arrivent à Londres pour y rencontrer le professeur Émelius Browne, un escroc qui n’a aucun pouvoir et qui s’est contenté de recopier un vieux grimoire, Les Sorts d’Astaroth. Mais le vieux livre est incomplet, ce qui les conduit à se rendre à Portobello Road, un marché célèbre pour ses antiquités et objets rares, afin d’y dénicher les dernières pages.
Une chanson qui sert le récit
Cette chanson n’est pas qu’un simple accompagnement musical : elle joue un rôle clé dans l’intrigue. Elle introduit l’ambiance unique de Portobello Road en tant que lieu où l’on peut tout vendre et acheter, et donc où il est possible de trouver un morceau de vieux grimoire. Les paroles de la chanson évoquent même un espace où « tout ce qu’un gars peut décharger est vendu à la brouette de Portobello Road », soulignant ainsi la diversité des objets qui y circulent.

Mais la chanson va au-delà de cet aspect purement narratif : elle met en avant la richesse culturelle de ce marché et, par extension, de la ville de Londres elle-même.
Portobello Road, un lieu bien réel
Portobello Road tire son nom de Puertobelo, une ville du Panama capturée par les Britanniques en 1739 lors d’un affrontement avec l’Empire espagnol. Il était fréquent à l’époque d’utiliser des noms de lieux pour commémorer des victoires militaires.

À l’origine, Portobello Road n’était qu’un simple chemin menant à une ferme nommée Portobello Farm. Ce n’est qu’au XIXᵉ siècle que la rue s’est transformée en un marché, attirant des commerçants et des collectionneurs d’antiquités du monde entier. Aujourd’hui encore, Portobello Road Market est l’un des marchés les plus célèbres de Londres, notamment pour la vente d’objets d’époque et d’articles vintage.

Une mise en scène au service de la diversité
Le numéro musical qui accompagne la chanson Portobello Road est une grande séquence de danse où l’on voit différentes communautés culturelles présentes dans l’Empire britannique à l’époque. Parmi elles, on retrouve des Écossais, des Jamaïcains, des soldats britanniques, des soldats australiens et des Indiens. Chacun de ces groupes danse selon son propre style, ce qui reflète la diversité culturelle du marché et du Londres d’antan.

Cette chorégraphie rappelle d’autres grands numéros musicaux du cinéma de cette époque, notamment la chanson Consider Yourself du film Oliver! (1968). Dans cette scène, divers travailleurs londoniens – bouchers, policiers, poissonniers, artistes de carnaval – participent à un grand tableau musical. Cette approche crée une atmosphère communautaire et immersive, en ancrant la chanson dans un cadre vivant et interactif.

Une bande originale signée Sherman
La bande originale du film a été composée par Richard et Robert Sherman, les célèbres frères Sherman. Ce duo est déjà très réputé, notamment pour avoir écrit les musiques de Mary Poppins. On retrouve dans L’Apprentie sorcière leur talent pour les mélodies entraînantes et mémorables.

Parmi les autres chansons marquantes du film, on peut citer L’Âge de vos beaux rêves, une ballade mélancolique chantée par Angela Lansbury, Dans le bleu de la mer, une chanson plus fantaisiste, Substitutiary Locomotion, qui accompagne l’un des moments les plus magiques du film, et bien sûr Portobello Road, chantée par Émelius Browne, et dont le rythme dansant nous intéresse ici.
Une singularité musicale marquée
L’une des particularités de cette chanson réside dans son choix rythmique. Portobello Road est une valse, un choix inhabituel pour une chanson d’ambiance sur un marché, qui aurait pu adopter un rythme plus enlevé comme le 4/4. Mais pour un lieu chargé d’histoire et dédié aux vieux objets, la valse confère un caractère nostalgique et fluide.

Au fur et à mesure que la chanson progresse, la musique adopte différents styles, correspondant aux groupes de danseurs qui apparaissent à l’écran. Ce procédé rend hommage à la diversité de la rue et de ses visiteurs. Cette variation musicale devient ainsi un instrument de représentation de la multiplicité des cultures présentes sur ce marché emblématique.
Une chanson qui dépasse son rôle de numéro musical
Ce choix musical et scénographique renforce l’idée du mélange culturel qui caractérise Portobello Road et fait de la chanson un moment clé du film. À la fois festif et révélateur de l’univers dans lequel évoluent les personnages, il en fait une chanson marquante du répertoire de Disney.

Au final, Portobello Road est bien plus qu’une simple chanson de film. Elle est une vitrine de la richesse culturelle et historique de Londres et illustre la capacité de Disney à intégrer ses chansons dans la narration de manière immersive et significative. Une véritable réussite qui continue de charmer les spectateurs des générations plus tard.