John Williams, un magicien
Georges Lucas a écrit une histoire mythologique dans une ambiance de science-fiction. Mais George Lucas n’est pas Wagner et il devra se résoudre à s’adjoindre un compositeur pour l’écriture musicale de ce qu’il conviendra d’appeler son space-opéra. C’est le célèbre compositeur américain John Williams qui sera choisi.
Qui est John Williams ?
Si ses références à la musique dite classique, de la musique romantique de Wagner ou Bruckner à l’avant-garde de Stravinsky, sont nombreuses, il est certain qu’il appartient à la tradition du symphonisme des années ’40. Ainsi King’s Row d’Erich W. Korngold lui inspirera le thème de Star Wars. Ce qui est surprenant, c’est de constater, chez John Williams, des différences de tons et de styles, montrant sa merveilleuse adaptation à la forme du film qu’il illustre. Mais comment s’est construite sa carrière ?
Une lignée de musiciens
John Towner Williams naît le 8 février 1932 près de Long Island. Son père, percussionniste pour CBS Radio, l’emmène pour la première fois dans les studios de la 20th Century Fox alors qu’il n’a que 6 ans. Il y découvre l’enregistrement de la partition de Rebecca of Sunnybrook Farm d’Allan Dwan.
Pour sa part, c’est le piano qui le passionne très tôt, à ce point que, dès l’âge de 15 ans, il envisage une carrière de soliste. Sa première composition, une sonate pour piano, date de cette époque. Éclectique, il est aussi à la tête d’un groupe de jazz, groupe pour lequel il passe à l’arrangement. La famille s’étant installée à Los Angeles, il étude la composition et l’orchestration avec Robert Van Eps, associé musical de la MGM.
Plus tard, il perfectionne son apprentissage avec Mario Castelnuovo – Tedesco, qui eut également comme élèves Jerry Goldsmith, Jerry Fielding et Henry Mancini. C’est là que va commencer la conquête d’Hollywood ! En 1955, il entre en tant que pianiste à l’orchestre du Studio de la Colombia. Rapidement, il participe aux arrangements et aux orchestrations des partitions de plusieurs films. Dès 1956, il propose aussi ses services en free-lance à d’autres Majors.
Un renouveau de composition… les séries télévisiées
En 1958, les studios se voient interdire l’utilisation de musiques préexistantes pour leurs séries télévisées. Le besoins de jeunes compositeurs se fait donc sentir puisqu’il faut fournir nombre de partitions originales. Dans cette mouvance, Stanley Wilson, directeur musical du Studio Revue qui appartient à Universal, propose au jeune Williams l’illustration sonore de plusieurs épisodes de la série M. Squad. Ce travail sur les séries va se développer et, pendant ce temps, il écrit également quelques partitions de films. Parallèlement, dès 1963, il se lance aussi dans l’écriture de pièces pour concert.
C’est en 1968 qu’une composition pour un téléfilm intitulé Heidi l’amène en Europe. Ce voyage aura une importance essentielle puisque c’est là qu’il va se réapproprier toute une partie de ses influences musicales, surtout celles issues de la musique classique.
En 1971, il reçoit son premier Oscar pour son adaptation des compositions de Jerry Bock pour Fiddler on the Roof (Le Violon sur le Toit) : John Williams est maintenant reconnu et respecté dans le club des compositeurs !
John et Steven
Une rencontre essentielle aura lieu en 1973 lorsque Jennings Lang, vice-président d’Universal, lui présente un jeune réalisateur prometteur : Steven Spielerg. Ce dernier a en tête une grande partition et un grand orchestre pour accompagner son premier long métrage Sugarland Express.
En acceptant la vision intimiste de John Williams d’un petit ensemble accompagnant un harmonica, il pose les bases d’une longue amitié. En 1975, « Spielberg montre à Williams un premier montage de Jaws. Lorsqu’il s’installe au piano pour n’y jouer que deux notes, Spielberg croit à une blague […] Pourtant, après avoir entendu à plusieurs reprises le célèbre ostinato, le réalisateur se rend à l’évidence : cette idée toute simple va devenir la signature du film. » (Personne, 2011). La recette est tellement efficace que Jaws va lui permettre de remporter son premier Oscar en tant que compositeur. Il enchaînera alors les partitions et les succès.
Surtout en 1976, quand, dans la foulée du succès de Jaws, Spielberg présente John Williams à George Lucas. 1977 marquera donc « la naissance de la saga la plus populaire du septième art qui inscrira la musique de John Williams dans l’inconscient collectif » (Personne, 2011). Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine, …
Star Wars … la renaissance du symphonisme au cinéma
En 1976, Steven Spielberg présente donc John Williams à George Lucas alors à la recherche d’une illustration sonore pour son prochain film. Sans doute sont-ils très loin de s’imaginer que de cette collaboration va naître le plus grand phénomène cinématographique du 20ème siècle.
Depuis les années ’69, Hollywood a assisté au déclin de la musique symphonique et est entré dans l’ère des chansons à succès qui, de la bande originale, atterrissent dans les bacs des disquaires. George Lucas lui-même avait été l’instrument de cette mode en réunissant une collection de tubes de rock’n’roll pour son film American Graffiti dont l’immense succès aura son importance puisqu’il fournit à Lucas le financement nécessaire à Star Wars.
La musique de film en révolution
C’est avec ce film que s’amorcera une véritable révolution dans l’histoire du cinéma et de la musique de film. Loin des clichés habituels des films de science-fiction, Lucas va y mélanger tous les archétypes du cinéma américain traditionnel : western, épopée médiévale et, bien sûr, romance. La musique, elle aussi, revient à la tradition en adoptant les partitions de l’âge d’or du symphonisme et en écrivant une musique directement inspirée de la musique romantique du XIXe siècle, Williams va se tourner vers un grand orchestre classique.
Le leitmotiv
En s’inspirant du romantisme, Williams et Lucas décident de reprendre la technique du leitmotiv si cher à Wagner, en particulier dans sa tétralogie de L’Anneau du Nibelung. Il s’agit d’écrire un thème récurrent qui caractérise un personnage ou un état et qui intervient tout au long de l’œuvre afin de se remémorer ce dernier.
Ce choix tient à un fait nouveau, la musique ne souligne plus les moments-clés du film, elle y est constante. Les faits, les gestes, les émotions des personnages sont projetées dans la musique qui les accompagne. Le public est ainsi capturé par l’unité qu’elle projette à travers l’utilisation des leitmotive et les transformations thématiques. Et l’orchestre classique est particulièrement indiqué : les cordes pour leurs qualités lyriques, les cuivres pour leur puissance et les bois pour leurs couleurs particulières… Cela lui vaudra son troisième Oscar !