Tous les films Disney ont cette particularité d’embarquer leurs héros dans des aventures fantastiques. Et parfois, ces héros sont des enfants. C’est le cas des jeunes Jane et Michaël Banks.
Lorsque Mary Poppins débarque dans leur vie, ces enfants subissent le monde des adultes dans une société anglaise stricte du début du 20ème siècle. On peut dire que leur monde est fait de gravité et que la nounou leur apporte la légèreté.
C’est d’ailleurs dans cette légèreté que la chanson Chem Cheminée prend tout son sens.
Besoin de légèreté, besoin de cheminée
On peut se demander comment une chanson parlant de cheminée peut-elle nous évoquer la légèreté ? Pour le comprendre, il faut reprendre au début.
L’histoire commence au numéro 14 de la Cherry Tree Lane. Monsieur Banks rentre chez lui et salue son voisin qui, du haut de la vigie plantée sur le toit de sa maison lui demande comment se porte le monde de la finance. La réponse est précise. « Ca n’a jamais été aussi bien ! La monnaie est saine, les taux montent, montent, montent, et la livre sterling fait l’admiration du monde entier ! » répond le banquier. Voilà le monde des adultes. Un monde matérialiste.
Mais ce qui attend Monsieur Banks va l’énerver grandement. Voilà qu’il croise la sixième nounou qui jette l’éponge. Ces enfants sont ingérables. Ils se sont encore enfuis. C’est donc un papa rouge de colère qui accueille les policiers qui ramènes les enfants, partis dans le parc à la poursuite de leur cerf-volant.
Il n’a d’autre choix que de passer une nouvelle annonce. Les enfants ont rédigé la leur. Quelle idiotie. Ce ne sont que des enfants ! La feuille finit en mille morceaux jetés dans … La cheminée …
Mais les petits bouts de papier s’envolent. Un début de légèreté.
Chem Cheminée … Passage magique
C’est une première allusion qui annonce qu’une vie plus légère se prépare puisque la conséquence sera l’arrivée dans la vie des enfants d’une nounou extraordinaire. Mary Poppins.
Mais elle n’est pas la seule personne extraordinaire que les enfants rencontreront ensuite. Il y aura ce vieil Oncle Albert qui s’élève dans les airs dès qu’il rit. Tiens, encore un peu de légèreté.
Mais c’est surtout Bert, le ramoneur, qui donnera aux enfants la clé du bonheur. Jane et Michaël sont tristes. Ils sont persuadés que leur père ne les aime pas. C’est là que le ramoneur leur fera prendre conscience de la solitude du chef de famille. Et d’ajouter que « les pères ont toujours besoin d’un peu d’aide ».
D’où peut venir cette aide ? Bert ne le dit pas explicitement, mais commence à chanter « chem cheminée ».
Les ramoneurs
On peut se demander comment la cheminée pourrait être la réponse à la solitude de Monsieur Banks. Il faut se souvenir que son plus gros souci c’est son manque de légèreté. Or, dans le film, la cheminée sera le symbole de ce qui relie le haut et le bas mais aussi ce qui transforme le lourd en léger.
Bert la présente comme « Le seuil du pays de l’enchantement » juste avant que lui et les enfants soient aspirés et se retrouvent sur les toits de Londres en compagnie de Mary Poppins.
Lorsqu’ils regagnent la maison en compagnie d’une bande de ramoneurs, commencent une véritable farandole qui laisse Monsieur Banks totalement dépassé par les événements.
Une prise de conscience
Ce sera le tournant de l’histoire. Alors que tous les ramoneurs partent en lui serrant la main, Banks reste seul avec Bert près de la cheminée, cette cheminée dans laquelle il a jeté la lettre des enfants. C’est le moment où George Banks ouvre vraiment son cœur et un joli dialogue mi-chanté mi-parlé fait prendre conscience au papa qu’il passe peut-être à côté de sa vie et de ses enfants.
Quelle image plus jolie pourrait-il y avoir que de voir les parents sautiller vers le parc avec leurs enfants pour faire voler un cerf-volant ! Jane avait raison. Serrer la main des ramoneurs a fait de lui l’homme le plus chanceux de la terre puisqu’il connaît enfin la légèreté.
Les ramoneurs porte-bonheurs
D’où vient cette légende des ramoneurs portant bonheur ? L’idée que les ramoneurs ont des vertus de porte-bonheurs vient certainement de la sécurité qu’ils apportaient en évitant les feux de cheminée.
Mais de belles histoires circulent à ce propos. Ainsi, en Angleterre, un ramoneur aurait sauvé la vie du roi dont le cheval s’était emballé. Puis il aurait disparu dans la foule. Le monarque déclara alors que les ramoneurs portent bonheur et leur serrer la main pouvait changer le cours d’une vie.
C’est cette superstition qui inspirera les frères Sherman après avoir vu un dessin de Don DaGradi montrant un ramoneur marchant dans le brouillard de Cherry Tree Lane.
Bert, un personnage central
L’écriture de cette chanson particulière donne une autre vision de cette chanson qui revient tout au long de l’histoire. On pourrait presque dire que Bert est le personnage central du film. Et cela a d’ailleurs provoqué la colère de Pamela Travers, la romancière qui trouvait que la place centrale du personnage dénaturait son œuvre.
Il faut dire que le personnage construit par Disney est pour le moins particulier, tour à tour homme-orchestre, artiste de rue ou encore ramoneur.
Dans le livre de Travers, Bert est un artiste de rue. Un autre personnage est homme à tout faire, il s’agit de Robertson Eye. Les Studios les réuniront en une personne en l’associant au ramoneur créé par les Sherman pour leur chanson.
Et si Mary Poppins est celle qui ouvre la voie de la liberté aux enfants, c’est effectivement Bert qui sera l’artisan de la prise de conscience de Monsieur Banks.
Avec sa chanson, il en devient le pendant masculin de Mary Poppins.
Une chanson récompensée
On se rend compte de l’importance de cette chanson dans le film et cela lui vaudra une récompense. Et quelle récompense ! Puisqu’il s’agira d’un Oscar. Même si les Studios ont dû ruser pour cela.
A l’approche de la sélection pour les Oscars, deux chansons du film étaient envisagées pour entrer dans la catégorie Meilleure Chanson. Si cela démontrait la qualité des compositions, cela comportait un risque. Celui de voir une dilution des voix.
Les Studios ont alors décidé d’augmenter la diffusion de Chem cheminée sur les ondes et de réduire celle de A Spoonful of Sugar. La première a donc été sélectionnée et l’Oscar a suivi.
Une réinterprétation
Mais les plus grandes récompenses viennent de la réappropriation des chansons dans d’autres univers. Ce sera immédiat dans le cas de Mary Poppins, et Walt Disney l’a compris mieux que personne.
Lors de la sortie du film, il tient absolument à faire de Mary Poppins un succès international. Il se tourne vers Duke Ellington qui est alors le plus grand compositeur de jazz. Sa demande ? Donner aux chansons de la bande originale reconnaissance internationale.
Le jazzman relève le défi sans avoir visionné le film pour laisser parler son imagination. Dans la version des frères Sherman, le jazz est soft, à la façon de la comédie musicale style Broadway. Avec Ellington, ça swingue. Et l’album Duke Ellington plays Mary Poppins sera l’un de ses plus gros.
Assurément, cette chanson a justifié le caractère magique des cheminées.
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