
Chapitre 1 – Des origines littéraires à l’intérêt de Disney
Depuis ses débuts, The Walt Disney Company s’appuie sur des personnages inoubliables pour tisser un lien durable avec le public. Certains sont issus du studio lui-même, comme Mickey Mouse, tandis que d’autres proviennent de la littérature, réinterprétés avec une sensibilité nouvelle pour en amplifier la portée émotionnelle. Parmi ces derniers, peu ont connu un destin aussi universel que Winnie l’Ourson.
Pour comprendre l’importance de son arrivée sur les écrans en 1966, il faut remonter aux années 1920. Winnie-the-Pooh apparaît d’abord dans un poème écrit par Alan Alexander Milne avant d’intégrer deux recueils narratifs : Winnie-the-Pooh (1926) et The House at Pooh Corner (1928). Ces récits sont conçus pour son fils Christopher Robin, inspirés de ses jouets, dont un ours en peluche devenu le célèbre Winnie.

Milne imagine alors un monde miniature, sans véritable péril, où chaque personnage incarne un trait de caractère universel : la douceur curieuse de Winnie, l’anxiété tendre de Porcinet, la sagesse alambiquée de Hibou, la mélancolie profonde de Bourriquet, l’énergie débordante de Tigrou. Le charme de ces histoires repose sur des aventures modestes, empreintes de sensibilité et d’humour, enrichies par les illustrations chaleureuses et reconnaissables d’Ernest Howard Shepard.

L’intérêt de Walt Disney pour cet univers remonte aux années 1930. Plusieurs tentatives d’adaptation sont envisagées, mais ce n’est qu’à la fin des années 1950 que Walt, convaincu du potentiel de Winnie dans l’animation, entame réellement les démarches pour acquérir les droits. L’accord se conclut progressivement, permettant au studio de produire des films, d’exploiter les personnages, puis de gérer l’ensemble de la franchise. L’acquisition deviendra l’une des plus fructueuses de l’histoire de Disney, Winnie l’Ourson devenant un symbole doux et pacifique associé à l’enfance.
Chapitre 2 – La création du premier film : un univers à adapter
Une fois les droits acquis, Disney choisit pourtant de ne pas se lancer immédiatement dans un long-métrage. Walt préfère commencer par un court métrage, un format parfaitement maîtrisé par le studio et idéal pour jauger la réaction du public. Le projet est confié à Wolfgang Reitherman, animateur clé reconnu pour son humour visuel et son sens du rythme.

Reitherman comprend que la force de Winnie réside moins dans l’action que dans les interactions entre des personnages fortement typés. Le scénario adapte donc fidèlement les chapitres de Milne tout en apportant une dynamique cinématographique nouvelle.

Pour ce premier film, les scénaristes se concentrent principalement sur les deux premiers chapitres du livre de 1926, centrés sur la gourmandise irrépressible de Winnie pour le miel. On y voit l’ourson tenter désespérément d’atteindre un arbre rempli d’abeilles : escalade du tronc, déguisement en nuage, utilisation d’un ballon bleu… autant de situations comiques emblématiques. Des éléments secondaires, comme la perte de la queue de Bourriquet, sont ajoutés afin d’introduire une galerie de personnages variée.

Sur le plan visuel, l’équipe doit relever un défi majeur : respecter l’esprit des dessins de Shepard tout en l’intégrant au style Disney. Le choix se porte sur un style simple, presque esquissé, évoquant la texture du papier, donnant l’impression que les personnages sortent directement des pages du livre. Cette identité lui confère une singularité rare dans le catalogue Disney.

La musique, essentielle pour créer l’ambiance du film, est confiée à Buddy Baker pour l’orchestration et aux frères Sherman pour les chansons. Celles-ci sont conçues pour être douces, simples et entraînantes. Le thème “Winnie the Pooh” deviendra l’un des plus reconnaissables de l’histoire du studio.
Chapitre 3 – 1966 : la découverte d’un univers tendre et poétique
Le 4 février 1966 sort Winnie l’Ourson et l’Arbre à miel, un moyen-métrage de 26 minutes qui introduit au public américain un univers encore méconnu. La critique salue la fidélité à l’esprit des livres, la qualité de l’animation, la douceur de la narration mêlant lecture et images animées, ainsi que la musique.

Si certains reprochent au film son rythme très calme, la plupart reconnaissent que cette douceur constitue précisément sa force. Le film rencontre donc un succès qui encourage les studios Disney à poursuivre l’exploration de la Forêt des Cent Acres.

Deux autres moyens-métrages suivront :
– Winnie l’Ourson dans le vent (1968), qui remporte l’Oscar du meilleur court métrage d’animation,
– Winnie l’Ourson et Tigrou (1974).

En 1977, les trois films seront regroupés pour former The Many Adventures of Winnie the Pooh, un long-métrage cohérent qui deviendra un classique familial diffusé dans le monde entier.

L’année 1966 prend aussi une dimension plus symbolique : Walt Disney décède en décembre, quelques mois après la sortie du premier film. Winnie l’Ourson et l’Arbre à miel fait ainsi partie des derniers projets qu’il a personnellement supervisés. Sa sensibilité — conviction que la simplicité, la gentillesse et la poésie peuvent toucher profondément le public — y est pleinement perceptible.
Chapitre 4 – Une franchise durable et un symbole universel
À partir de là, les apparitions à l’écran se multiplient et Winnie l’Ourson devient l’une des franchises les plus prolifiques de Disney. Le personnage et ses amis apparaissent dans des émissions télévisées, des séries animées, des vidéos, des attractions dans les parcs à thème, ainsi que dans une vaste gamme de produits dérivés. Les revenus générés sont considérables, preuve de l’attachement du public à cet univers intemporel.

L’approche adoptée pour Winnie influence durablement Disney : la création d’un univers cohérent, basé sur des personnages aux personnalités fortes, servira de modèle pour d’autres franchises du studio.

Au fil des décennies, Winnie l’Ourson est devenu un symbole d’enfance universelle, détachée des modes et des tendances. L’ourson jaune au tee-shirt rouge continue de transporter les générations dans un monde empreint de douceur, d’humour et de poésie.
Ça s’est passé un 4 février 1966.







