Ils sont parfois cruels, parfois terrifiants, parfois même traumatisants. Je veux parler des méchants chez Disney. Mais certains restent dans les mémoires car ils ont su se montrer ridicules, voire comiques. Comme le Prince Jean, un lion bien pathétique.
Le roi de mauvais aloi
Lorsque Disney a transporté le célèbre mythe de Robin des Bois dans le monde des animaux, il était naturel que chaque animal choisi incarne le caractère du personnage. Le méchant Prince Jean est donc un lion mais force est de constater que son allure n’inspire pas le respect dû à son rang royal.
Un corps maigrichon et un comportement de pleurnichard qui diminue fortement son autorité. On dit même qu’il boude en suçant son pouce et en appelant sa maman. C’est comme ça qu’il est d’ailleurs moqué par Petit Jean dans la chanson Le Roi de Mauvais Aloi.
Dans un monde animalier
Déjà en 1937, alors que le tournage de Blanche-Neige se terminait, Walt Disney s’intéresse au Roman de Renard, une légende du 12ème siècle, comme support à un film animalier. Plus tard, il envisage de traiter trois séquences animées sur base de cette légende et qui seraient insérée dans le film L’Ile aux Trésors sous forme d’histoires qu’aurait racontées Long John Silver. Mais le projet ne se fera pas.
Il y aura encore une tentative d’un long métrage musical où Renard serait le méchant face au coq Chanteclair. Là encore, la production est abandonnée au profit de Merlin l’Enchanteur.
Ce sera en 1968 que Card Walker, le président des studios Disney, suggère l’adaptation de Robin des Bois. Ken Anderson est alors chargé de dessiner des personnages animaliers comme base de travail.
Boudé par les critiques, adoré par le public
Walt Disney est mort en 1966 laissant les Studios désemparés. C’est Wolfgang Reitherman, l’un des Nine Old Men qui se voit chargé de la supervision des films d’animation. Mais il n’a pas l’ambition du papa de Mickey. Son mot d’ordre général est d’ailleurs « économie » ce qui rime rarement avec imagination.
Ce mot « économie » est, bien sûr, apprécié par les financiers mais pas par les artistes qui doivent composer avec cette contrainte, ce qui entraîne bien souvent un manque d’imagination et de créativité, voire d’audace !
Robin des Bois fait partie de cette génération de films qui vont susciter une impression de « déjà vu ». Et pour cause. Des pans entiers de l’animation sont directement copié sur d’autres long-métrages.
Recyclage en musique dans la forêt
On reprend donc des scènes de films précédents sur lesquelles on colle l’image des nouveaux personnages. Et la chanson qui nous parle du Prince Jean, le Roi de Mauvais Aloi, en est, hélas, l’exemple le plus flagrant en constituant l’animation la plus recyclée du film.
Troisième extrait musical du long métrage, c’est Petit Jean qui entonne la chanson alors qu’une fête s’est improvisée dans la forêt.
Elle se passe au moment où les héros se sont échappés après un tournoi de tir à l’arc à l’issue duquel le prince Jean a tenté de capturer et de tuer Robin des Bois.
La population de Nottingham s’est réunie dans la forêt de Sherwood pour fêter le héros du jour et Petit Jean, donc, se moque ouvertement de ce peudo souverain avec une chanson toute en fantaisie mais qui décrit bien ce que chacun pense de lui.
Quelques noms d’oiseaux
Les personnages n’iront pas de main morte pour évoquer leur souverain. Cafard vicieux, pernicieux, plus méchant que Satan, papelard, fripouillard et coquin en tout point, vile charogne, sans vergogne. Et bien le voilà bien ce roi de mauvais aloi.
Mais on peut comprendre la colère des villageois écrasés d’impôts et leur reconnaissance à Robin et sa troupe qui les défendent.
Et cette chanson parodique n’est pas l’apanage des seuls villageois. On comprend vite que cette chanson moqueuse est en réalité populaire dans tout le royaume puisque le conseiller Triste Sire et le shérif de Nottingham la fredonnent également.
Ce qui ne manquera pas de provoquer la colère du prince Jean qui se vengera en décrétant une nouvelle levée d’impôts pour les villageois. Ecrasés, ils ne pourront payer et seront dès lors immédiatement envoyés en prison.
Qui est copié ?
La scène dans la forêt est donc largement plagiée sur d’autres films. En effet, à l’époque, la Compagnie n’est pas en grande forme, certainement en raison de problèmes financiers suite à la première phase de construction de Walt Disney World .
On décide alors, tout au long de la chanson, de recycler plusieurs mouvements des personnages en les copiant sur Blanche-Neige et les Sept Nains, le Livre de la Jungle ou les Aristochats. Et donc, alors que tous dansent, nombre de séquences semblent très familières pour les spectateurs.
Ainsi, Marianne rythme la chanson avec les mêmes gestes que Blanche-Neige dans la maison des nains. Et quand elle se met à danser, c’est toujours à Blanche-Neige qu’elle s’identifie. Par contre, elle peut aussi onduler devant Robin telle Duchesse avec O’Maley dans les Aristochats.
Et quand Petit Jean enlace Dame Gertrude pour un rock endiablé c’est sûrement à Baloo se dandinant avec King Louie qu’il pense.
Valeur sûre pour la composition
Malgré ces plagiats, la scène fonctionne puisque la chanson restera en tête, et pas seulement à Triste Sire. Les paroles grinçantes qui dépeigne l’affreux Prince Jean sont, elles, dues à Johnny Mercer.
Pour la musique, on doit son écriture à l’un des grands noms de la musique chez Disney, George Bruns, qui signera ainsi la musique pour sa sixième et dernière collaboration avec une animation Disney, avant de prendre sa retraite.
Il semblerait que Bruns, pour ce passage, se soit inspiré d’une chanson intitulée ” The Bastard King of England “, racontant les aventures légères entre un roi français et une reine d’Espagne.
Décidément, ce Prince Jean ne pouvait qu’être moqué en paroles et en musique. Et il restera donc à jamais ce personnage plus bête qu’une oie, sans foi ni loi, au-dessous du pire, et qu’on l’appellera “Messire le roi de mauvais aloi”.
