Parmi les Vilains, beaucoup usent de sortilège et de maléfices mais certains ne sont que de simples hommes et parmi eux, le plus torturé, le plus tiraillé est sans doute Frollo.
Qui est Frollo ?
Avec Frollo, on pourrait presque parler de personnage charismatique dans la noirceur et pourtant, sa chanson, Infernal, nous dévoile toute la complexité du personnage.
On peut s’interroger sur le personnage et sur les raisons d’une telle noirceur. Le film de Disney ne nous dévoile pas grand-chose de cet individu. Le roman le décrivait beaucoup plus. Frollo serait né en 1446 dans une famille noble qui le destine à une carrière ecclésiastique. Orphelin à l’âge de 19 ans, il recueille un enfant abandonné qu’il nomme Quasimodo.
Bref, rien de bien méchant. Mais lorsqu’il croise la route d’Esmeralda, voilà son état d’archidiacre remis en cause, le conduisant à la folie par ce combat intérieur entre le bien et le mal en contradiction avec son engagement religieux. On voit alors un portrait de lui, froid, calculateur voire cynique et manipulateur. Ce qui le conduira à sa perte, précipité du haut d’une tour ne Notre-Dame par Quasimodo lui-même.
Le personnage de Disney
Si on retrouve l’idée, les choses sont un peu différentes chez Disney. Il doit maintenant endosser les caractéristiques connues des Vilains. Et la dualité Bien / Mal devient plus tranchée.
Disney lui fait quitter ses fonctions religieuses aussi et il devient juge dont on explique très vite la fonction première : nettoyer Paris de la présence des gitans qu’il déteste.
C’est ainsi qu’au début du film, il tue la mère de Quasimodo, se justifiant au nom de Dieu. Il se prépare à agir de même avec l’enfant quand l’archidiacre de la cathédrale impose à ce fanatique religieux de s’occuper du bébé afin de racheter ses fautes.
Le point commun sera cette folie qui s’empare de lui par le tiraillement provoqué par son désir de la gitane. Sa fin sera toutefois différente. Pas question de voir un meurtrier en Quasimodo. Frollo perdra seul l’équilibre et tombera de la tour.
Infernal : Complexité en chanson
Chez Disney, ce qui fait de Claude Frollo un Méchant différent, c’est son idée d’agir pour le bien, de répondre à une volonté divine.
Sauf au moment de cette superbe chanson, Infernal, qui lui donnera une personnalité finalement plus complexe. Et pour bien la comprendre, il faut la mettre en parallèle avec celle qui précède, chantée par Quasimodo : Une douce lueur puisque les deux chansons vont s’enchaîner. Et tout l’intérêt réside dans cet enchaînement.
Berceuse de Quasimodo
Dans la très courte chanson « Une douce lueur », sorte de berceuse, Quasimodo s’interroge sur les affirmations de Frollo à propos de ses apparences alors qu’il perçoit Esmeralda comme un ange qui a effacé ses chagrins. Le moment se termine par le carillon de Notre-Dame faisant entendre le thème principal, un thème qui en devient lumineux. Il sonne comme un espoir pour le sonneur de cloches puisqu’il a vu la lumière du ciel.
Changement d’atmosphère
Mais l’enchaînement conduit à un changement d’atmosphère. Dans une ambiance très sombre, une procession chante un Confiteor, une liturgie latine où le pêcheur confie ses péchés à Dieu et à Marie.
Face à la Cathédrale, dans son palais de justice, Frollo s’adresse aussi à la Vierge, s’interrogeant sur son attirance pour Esmeralda.
Cette attirance est une abomination selon lui et il compare la jeune femme à l’Enfer. C’est l’exact contrepied de la chanson de Quasimodo.
C’est aussi le moment où Frollo semble le plus faible. La scène le montre et les paroles l’expriment. Lui qui est montré la plupart du temps en contre-plongée lui apportant une impression de puissance, se verra repoussé vers le mur où il ne tient qu’une toute petite place à l’écran. Il semble désespéré, écrasé par de fantomatiques figures rouges encapuchonnées entourent le personnage et le condamne bien qu’il se défende de toute faute.
Un innocent ?
Car durant tout le chant, il tente de se disculper. « Est-ce ma faute si notre père a fait les hommes moins puissants que Lucifer ? » ira-t-il jusqu’à dire.
A la fin, alors que résonne le « Kyrie eleison », prière de pardon, le juge demande pitié pour la belle mais il demande surtout pitié pour lui. A ce moment, il annonce déjà sa folie future, seule réponse possible à sa folie.
On ne peut que saluer l’enchaînement magistral des deux chansons et la scénographie superbe de l’animation.
Images et musique
Avec cette chanson, Disney a parfaitement illustré le tiraillement de Frollo. Tout d’abord, musique et animation sont intimement liées. Mais c’est surtout l’utilisation de la couleur qui est déterminante.
Au début, Frollo regarde la cathédrale plongée dans la nuit et prie Marie pour appuyer sa qualité d’homme juste. L’ambiance est froide, dans des teintes bleutées, à l’image de son cœur de pierre.
Mais commence alors son tiraillement. Il se tourne vers la cheminée et son feu aux couleurs chaudes, évoquant son attirance pour la gitane. Une flamme dessine même la silhouette de la jeune femme.
L’alternance des teintes chaudes et froides simulera son tourment durant toute la chanson alors qu’à la fin, il tombe à genoux sur la frontière violette, entre le rouge du brasier ardent et la froideur bleutée des murs de sa demeure. D’une certaine manière entre la flamme de sa passion et la dureté de son cœur de pierre.
Un traitement très adulte
Le moins que l’on puisse dire c’est que cette chanson révèle des sentiments coupables du juge pour Esmeralda ce qui étonne dans un film pour enfants. Cette idée fut pourtant approuvée par les producteurs qui estimaient important que Frollo soit présenté tel le personnage de Victor Hugo et la scène était le moment idéal.
On avait fait de lui un juge et plus un personnage religieux. Il fallait toutefois exprimer sa passion brûlante pour Esmeralda sans aller trop loin.
D’ailleurs, lorsque vient le jour de la présentation de la chanson à Roy Disney et Michael Eisner, la conclusion de Kirk Wise, l’un des deux réalisateurs fut qu’elle ne passerait jamais auprès des producteurs. Et pourtant, elle est passée grâce et aucune supplication n’a été nécessaire.
Un acteur à la hauteur
Pour interpréter un personnage aussi fort, il fallait un acteur confirmé. C’est Tony Jay, ancien membre de la Royal Shakespeare Company, qui fut choisi pour la version originale.
Mais surtout, on ne peut passer sous silence cet immense acteur qu’était Jean Piat, pour la version française. Il avait déjà terrorisé les enfants l’année précédente en prêtant sa voix au méchant Scar dont il avait incarné toute la noirceur.
Il reste donc dans le registre des méchants en doublant Claude Frollo dont il interprète à merveille l’allure austère et rigide. Sans nul doute, c’est lui qui assure cette présence au personnage une véritable épaisseur.
Il assure également la partie chantée du rôle. Un chant et une scène qui restera gravée dans l’histoire Disney pour sa singularité. Le talent en plus !