Quand Pixar nous met la tête à l’envers
Le 18 mai 2015, Pixar dévoile au Festival de Cannes un film qui bouleverse les codes de l’animation grand public : Vice-Versa (Inside Out en version originale). Loin des univers purement féeriques, ce long-métrage plonge au cœur d’un territoire rarement exploré par le cinéma familial : l’intériorité émotionnelle. Avec une créativité visuelle hors pair et une sensibilité rare, l’histoire invite à voyager à l’intérieur de l’esprit humain, en représentant de façon concrète et accessible les mécanismes invisibles qui façonnent notre vie affective.
Le résultat est une œuvre à la fois lumineuse et profonde, capable de séduire le jeune public tout en offrant aux adultes une réflexion fine sur la complexité des sentiments.

Une idée née de l’observation et nourrie par la science
L’inspiration prend racine en 2009, lorsque Pete Docter, futur réalisateur du film, remarque un changement dans le comportement de sa fille à l’approche de l’adolescence. De vive et joyeuse, elle devient plus silencieuse et réservée. Une question s’impose alors : Que se passe-t-il dans sa tête ?

Pour y répondre, l’équipe créative s’entoure d’experts en neurosciences et en psychologie du développement. Ces échanges donnent naissance à un récit construit sur des bases scientifiques solides, ce qui reste exceptionnel dans l’animation familiale. Pourtant, le film ne se transforme jamais en cours magistral. Fidèle à l’ADN de Pixar, l’idée la plus cérébrale devient une aventure émotive et visuelle.

Le voyage des cinq émotions
Au cœur de l’histoire, cinq émotions universelles — Joie, Tristesse, Peur, Dégoût et Colère — pilotent la vie de Riley, une fillette de onze ans qui déménage à San Francisco. Quand Joie et Tristesse disparaissent de la “salle de commande” de son esprit, c’est tout l’équilibre émotionnel qui vacille.

Ce choix de cinq émotions résulte d’un long processus. L’équipe avait d’abord envisagé plus de vingt variantes, mais s’est recentrée sur un petit nombre, inspiré des recherches du psychologue Paul Ekman. Chaque émotion est incarnée par un personnage distinct, avec sa gestuelle, son rythme, sa couleur. L’opposition entre Joie, vive et rayonnante, et Tristesse, lente et hésitante, cristallise le message central : la tristesse n’est pas une erreur à éviter, mais une composante essentielle de l’équilibre affectif.

Autour de ce duo, le film déploie une architecture mentale inventive : souvenirs-bulles colorées, îles de personnalité, mémoire à court terme comme centrale de tri… Autant de métaphores visuelles qui rendent tangibles des concepts psychologiques complexes.

Un succès critique, émotionnel… et une suite attendue
Présenté en avant-première à Cannes, Vice-Versa reçoit une ovation de huit minutes et suscite immédiatement un fort engouement. À sa sortie mondiale en juin 2015, il est salué unanimement par la critique, couronné de l’Oscar du meilleur film d’animation.

Au-delà des récompenses, le film marque les esprits par des moments de grande intensité émotionnelle, comme le sacrifice de Bing Bong, l’ami imaginaire de Riley, métaphore poignante du passage de l’enfance à l’adolescence.

Dix ans plus tard, Vice-Versa 2 élargit le spectre émotionnel. Riley entre dans l’adolescence et de nouvelles émotions apparaissent : Anxiété, Embarras, Ennui, Envie… Le récit quitte les émotions primaires pour explorer des sentiments plus nuancés, plus ambivalents. Un pas de plus dans la représentation cinématographique de notre vie intérieure, et un rappel que comprendre ses émotions, c’est aussi accepter de ne pas toujours savoir les nommer.
