Depuis toujours, Walt Disney lui-même a toujours voulu utiliser des chansons pour rythmer ses œuvres et soutenir les histoires. Bien souvent d’ailleurs, la chanson va nous révéler le caractère d’un personnage. A ce titre, celle qui résume le mieux le parcours d’un des héros Disney, c’est De Zéro en Héros dans Hercule tant c’est le reflet de l’histoire même du dessin animé qui était loin d’être le choix de ses réalisateurs.
Un film peu désiré
L’histoire commence en 1985. Les Studios sont au milieu de la production de Basile, détective privé, sorte de parodie de Sherlock Holmes avec des souris qui n’aura qu’un faible succès commercial. Mais le film a le mérite d’être l’occasion de deux réalisateurs : John Musker et Ron Clemmens, un duo qui deviendra magique pour les Studios.
Lors d’une réunion destinée à trouver de nouvelles idées pour le futur, Ron Clemmens propose deux idées : Mermaid, une adaptation de la Petite Sirène et Treasure, une vision dans l’espace de l’Ile au Trésor.
Les responsables des Studios, peu convaincus, refuseront les deux même si quelques jours plus tard, faute de mieux, Jeffrey Katzenberg rappelle les réalisateurs pour leur demander de se mettre à travailler sur l’idée de la sirène. On sait le succès qui suivra et qui sera la base du renouveau chez Disney.
Vu le succès de Petite Sirène, le duo revient avec son idée qui reçoit toujours une réponse négative ! Ils proposent alors une adaptation du Lac des Cygnes, une histoire intitulée Le Roi de la Jungle qui deviendra Le Roi Lion et aussi une adaptation de l’histoire d’Aladdin. C’est cette dernière qui est retenue. Et à nouveau, c’est un méga-succès !
Et donc, forts de deux succès, Musker et Clemmens reviennent avec leur Planète aux Trésors qui est toujours refusée.
A la place, Katzenberg propose d’adapter A Princess of Mars, un roman d’Edgar Rice Burroughs, une sorte de romance planétaire qui se déroule sur Mars, une planète à l’environnement désertique hostile.
Clemmens et Musker refuse catégoriquement. Notons que Walt Disney Pictures en sortira, en 2012, un film intitulé John Carter et qui sera un des plus terribles échecs de Disney.
Devant leur obstination de Planète aux Trésors, Katzenberg leur propose un deal. Ils travaillent sur un nouveau film et si celui-ci confirme leurs succès précédents, ils pourront reprendre leur idée de Treasure !
Les quelques idées alors avancées sont : Don Quichotte, L’Odyssée ou Le tour du monde en 80 jours. Les réalisateurs préfèreront l’idée d’un des animateurs des Studios à savoir adapter la vie d’Hercule.
Une adaptation osée
Elaborer une histoire à partir de cette idée ne sera pas un long fleuve tranquille. Musker et Clemmens apporte d’abord une histoire radicalement différente de celle proposée par la mythologie. Elle se déroule pendant la Guerre de Troie pendant laquelle chaque camp tente de rallier Hercule à sa cause ce qui va le conduire à s’empêtrer dans une suite de choix néfastes.
La réaction des Studios sera négative et les réalisateurs se plongent alors dans les histoires mythologiques de la Grèce Antique. Mais l’histoire est difficile à adapter. Jusque-là, Disney a prouvé qu’il savait retravailler un conte ou un roman. Mais la mythologie est très éloignée de l’esprit Disney. Zeus, par exemple, est un infâme coureur de jupons. Hera, folle de jalousie, se montre souvent furieuse. Et on ne compte plus les massacres. Impossible de porter cela dans une animation Disney.
Il faut changer l’histoire et réinterpréter le personnage. D’emblée, le duo prend le pari de faire d’Hercule une sorte de super héros et de faire évoluer l’histoire dans une vision très moderne.
On garde l’idée d’un héros tiraillé entre deux mondes, on lui colle un acolyte sarcastique, une femme au caractère trempé et un puissant méchant. Voilà le cadre de l’histoire qui va alors s’éloigner du récit mythologique, Disney oblige !
Dans l’histoire originale, Zeus use d’un stratagème pour séduire Alcmène. Il prend les traits de son époux, Amphitryon, parti à la guerre. De cette union naît le petit Hercule, qui est donc un demi-dieu puisque né de Zeus et d’une mortelle.
Mais un adultère chez Disney : impossible. Hercule sera donc le fils de Zeus et de son épouse Héra. La naissance de l’enfant provoque alors une jalousie incontrôlée chez tonton Hadès qui décide de l’empoisonner et donc de lui ôter sa divinité. Voilà comment le bambin sera recueilli par de gentils mortels qui sont Alcmène et Amphitryon.
De la mythologie à la comédie
De digression en digression, le style même de l’animation va être influencé. Les réalisateurs vont quitter le genre sérieux de la mythologie et transformer l’histoire en une comédie pour le moins loufoque sur le modèle de la Screwball Comedy, un style célèbre dans les années 30 et 40 pour son côté vivace, ses situations absurdes et porté par des femmes très indépendantes. On va également y intégrer des sujets plus actuels comme le rejet, le star système, etc
Musique innovante
Pour la musique, John Musker et Ron Clements reviennent vers celui qui a fait le succès de La Petite Sirène et Aladdin, Alan Menken. Le voilà associé au parolier David Zippel pour le défi immense de travailler la mythologie grecque dans un contexte musical. Il a donc, au départ, l’idée d’une musique d’influence assez classique mais le choix des réalisateurs sera beaucoup plus novateur puisqu’il suggère le style Gospel.
Leur logique était la suivante : la musique gospel est écrite pour chanter Dieu et comme le héros est un dieu. C’est donc l’orientation et voilà un long-métrage d’animation qui ose des influences musicales originales dont le fameux De Zéro en Héros que chantent les Muses.
De Zéro en Héros : Des Muses particulières
Les Muses seront de fameux personnages dans l’histoire, avec des interventions pas très grecques.
Ces cinq femmes en tunique, d’apparence afro-américaines, qui sortent d’un vase pour chanter du gospel n’ont, en effet, pas une allure grecque !
Même leur nombre n’est pas correct. Ces filles de Zeus, déesses des Arts et de la Cultures, devraient être 9. Disney n’en a retenu que 5. Calliope, déesses de la poésie épique, Melpomène de la Tragédie, Clio de l’Histoire, Terpsichore de la Danse et Thalie de la Comédie. On pourrait presque dire qu’elles président toutes à la fabrication du film mais il manque la Muse de la Musique.
Ceci dit, ce sont elles qui apporte pourtant l’élément de Grèce Antique puisque dans le théâtre antique, ce sont des narrateurs qui racontaient le mythe. C’est ainsi que le fameux mythe des 12 travaux est en partie raconté dans la chanson De Zéro en Héros qui nous montre comment d’un homme insignifiant, il conquiert ses galons de héros.
Flop
Par contre pas de galon de succès pour le film même si la chanson phare du dessin animé sera nommée aux Oscars et au Golden Globe. Aucun prix ne vient saluer le film qui sera un échec. Sans doute que les libertés prises par Disney étaient un peu trop audacieuses. Le film signera d’ailleurs la fin du deuxième âge d’or des studios
Et c’est peut-être là, un mauvais tour due à la jalousie de Hadès qui ne voulait pas voir Hercule en Héros, on peut se poser la question.
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